Jumeaux et cultes: mythes, divinités et saints






 On retrouve, chez plusieurs populations, des divinités jumelles aux origines des hommes, aux origines de leur civilisation, et à celles des villes ou des états. Georges Dumézil en fait état en ce qui concerne les conceptions religieuses des Indo-Européens (c.f. bibliographie). Germaine Dieterlen, entre autres, a révélé les nombreuses versions des origines mythiques de l'univers, chez les Bamana et les Dogon au Mali (c.f. bibliographie), qui ont en commun la lutte éternelle entre la terre et le ciel, le thème de jumeaux cherchant à retrouver l'unité.

Ces divinités fondatrices symbolisent aussi bien le conflit et la fusion. Elles traduisent, comme le feront également des divinités secondaires et des saints des mythes et des religions, tous les aspects binaires du monde qu'il soit divin ou humain, invisible ou visible. Bien qu'il existe des jumeaux de sexe opposés (Adam et Eve sont parfois considérés comme jumeaux, Yurugu et Yasagi chez les Dogons, le couple jumeau Mawu-Lisa des Fon au Bénin), il semble que ceux de même sexe soient le plus souvent mis en avant: les Asvin (Ashvin), les Dioscures (Castor et Pollux), Pemba et Mouso Koroni (jumelles chez les Bamana), les Jumeaux Nommo (Dogon), Romulus et Remus, Caïn et Abel, Jacob et Esaü, Côme et Damien... On notera, en outre, que pour plusieurs populations d'Afrique occidentale, une naissance gémellaire (le plus souvent dans le cas de jumeaux de même sexe) rappelle les jumeaux des origines, elle en est un écho, en cela elle est considérée avec joie et respect mais aussi avec crainte (C.f. la page "Jumeaux: rites de vie et de mort") .

Si quelques représentations de Dieux et de héros, non nés jumeaux, ont parfois un aspect gémellaire (la composition des figures signifiant leur fraternité, leur entente, ou symbolisant une idée politique ou religieuse), celles des jumeaux divins ou saints, nés jumeaux, ne semblent pas viser systématiquement la symétrie des deux figures dans la recherche d'une similitude, puisqu'elle va de soi. 


Les œuvres présentées dans cette "page" sous forme thématique, pourront être retrouvées dans les "messages" sous le nom de l'artiste qui les a créées.









Seth et Horus célébrant le rite d'union des 2 terres (haute et basse Egypte) socle du trône de Ramses II, temple de Louxor  XIIIe s. avt J.C.

L'identité des portraits de Seth et d'Horus n'est pas là pour signifier une gémellité mais l'équivalence et l'unité des Haute et Basse Egypte qu'ils représentent.

 

Polymédès d'Argos, Cléobis et Biton,  600 avant J.C., Kouroi de 2,16 m.,  Musée de Delphes.
Statues parfois identifiées comme celles des Dioscures.


Les Dioscures

Artiste inconnu, Haut-relief aux Dioscures, dans la frise au Zodiaque, IIe-IVe s. après J.C. temple Khirbet edh-Dharih, Petra. 



Dioscures, œuvre romaine tardive du IVe siècle après J.C., Capitole, Rome.

Dioscures, oeuvre romaine du IIIe siècle après J.-C, Metropolitan Museum, New York.

Dioscures, ou Offrande d’Oreste et Pylade (Groupe de San Ildefonso) copie romaine d'après un original grec de Praxiteles (circa IVe s. avant J.C.)  Musée du Prado, Madrid.

 Antoine Coysevox, Castor et Pollux, 1685, Parc de Versailles.

Joseph Nollekens, Castor and Pollux, 1767, Victoria and Albert Museum.

Inconnu, Castor et Pollux.

Pierre Paul Rubens, Le rapt des filles de Leucippe (par Castor et Pollux), 1615-1617, 224 x 210,5 cm., Alte Pinakothek, München.


Giorgio de Chirico, I dioscuri con i compagni in riva al mare, 1935, coll. privée.


Antonia Calabrese, Dioscuri, 40 x 60cm, 2010.
http://antoniacalabrese.wordpress.com/2010/11/02/dioscuri/

Ivan Pinkava, Castor a Pollux, 2000.


Giorgio de Chirico, Les archéologues ou Castor et Pollux, 1950, coll. privée.

Jean Cocteau, Dioscures, 1958, céramique.

Inconnu, Les Gémeaux, Cathédrale de Chartres, voussure du portail sud ouest, XIIe siècle.
 

Pier Paolo Pasolini, Medea, film, 1969.
Capture d'écran de deux compagnons jumeaux de Jason.

Jason et les Argonautes, à la recherche de la toison d'or, séjournèrent plusieurs mois sur l'île de Lemnos, où ils avaient été invités à demeurer par les seules habitantes, afin de la repeupler.  Jason fut choisi par Hysipyle, la reine de l'île. Elle lui donna des jumeaux: Eueus et Deipylus.  

Pendant son voyage, Jason fut accompagné par les jumeaux Castor et Pollux envoyés par Léda.

Castor et Pollux, Zodiaque.

 La Louve capitoline avec Romulus et Remus, sculpture en bronze des XIIe et XIIIe siècles de notre ère, musée du Capitole, Rome.


Les jumeaux Heracles et Iphicles, vase grec calyx-Crater à figure rouge, circa 400 av. J.C.
http://mythagora.com/photo/gallery13/heraklespix.html

Vincent Sellaer, Antiope reine de Thèbes entourée de ses jumeaux, Amphion et Zéthos, 2eme quart du 16e siècle, huile sur bois, 38 x 33,8 cm., Musée du Château de Blois.




Les nombreux jumeaux de la Bible comme Caïn et Abel, Jacob et Esaü, Ismaël et Isaac  tendraient à faire comprendre que la fraternité - mais aussi la dispute fraternelle - est au départ de la vie.
Elle souligne que les jumeaux sont plus que des frères, non seulement nés de même père et de même mère, mais nés au même instant. Pourtant ils sont radicalement différents.
L'histoire de Jacob et Esaüe en est symptomatique car tout pourrait les rapprocher et finalement tout les oppose.

Pierre Paul Rubens, Caïn assassinant Abel, 1608-1609, 131,2 x 94,2 cm. The Courtauld Gallery, London.

 Lionel Frappat (photo), Rencontre de Jacob et Esaü,  début 12e s. ,Chapiteau angle Nord-Est du transept Eglise Saint-Michel, Lescure D'Albigeois,

Inconnu, Abraham, Ismaël et Isaac, tympan de Abbatiale Sainte Foy de Conques, 12e s.




Les saints Serge et Bacchus sont deux militaires romains du IVe siècle qui, ayant refusé d'honorer Jupiter parce qu'ils étaient chrétiens, ont été martyrisés. 

Selon plusieurs sources, Serge et Bacchus sont décrits comme « erastai » (amants). Au VIe siècle, le théologien chrétien orthodoxe Sévère d’Antioche expliquait déjà qu’« il ne faut pas séparer dans le discours ceux (Serge et Bacchus) qui ont été joints dans la vie ». Plus tard, dans le récit de leur vie écrit au Xe siècle, Saint Serge est décrit de manière beaucoup plus explicite comme le « gentil compagnon et amant » de Saint Bacchus. 
Sources rassemblées par John Richard Boswell (1947-1994), 
historien de l'université Yale (Etats-Unis).
 
Serge et Bacchus ne sont pas des jumeaux, mais leurs liens d'amitié et leur sort commun, ainsi que leur relation présupposée d'amants, voire d'individus unis par le mariage, sont soulignées par des représentations gémellaires.


Saints Serge et Bacchus, icône du VIIIe siècle, Monastère Sainte Catherine, Mont Sinaï, Egypte.

Inconnu, Icône des Saints Serge et Bacchus, XXe siècle, Monastère de Mar Sarkis et Bakhos, Maaloula, Syrie. 




Côme et Damien, frères jumeaux, martyrs en 287, sont les saints patrons des médecins et des chirurgiens. En Europe et en Afrique, on prête souvent aux jumeaux des pouvoir de guérison.

Donatello, Santi Cosma e Damiano, 1434-1443, Basilica di San Lorenzo, Firenze.


Côme et Damien, Prats de Mollo, France.


Côme et Damien, Inconnu.


Kosmas Damiano, Icône de l’Église orthodoxe de Jablonica Ruska, 15e siècle. Pologne.


Côme et Damien, 1978, Église orthodoxe, Avignon.


Cosme y Damian, Madrid



Côme y Damian, Madrid


 Fra Angelico,  Côme et Damien, panneau de la prédelle Pala di san marco 1438-1440, Museo San Marco, Firenze.


Konrad Moroder, Cosma e Diamano, 1999 Terracina, Italie.



Cosma e Damiano, statues d'église, Italie.


 Cosme e Damiao, figurines de culte domestique, Salvador de Bahia, Brésil.


Cosme e Damiao, figurines de culte domestique, Salvador de Bahia, Brésil.


José Santos Freitas, Historia do Bresil ( échantillon dans lequl il faut notter
 la présence de Cosme et Damien), XXe s, tapeçaria, Museo Tradicional d'arte antica de Salvador de Bahia.


Santi Cosma e Damiano, Image pieuse.



Pierre Verger, Association de jumeaux, région de Cotonou, Dahomey (Bénin), vers 1948.


Des chercheurs comme Roger Bastide, William Bascom et Pierre Verger (c.f bibliographie) ont noté, au Brésil, mais aussi à Haïti et à Cuba (à Trinidad on note la co-existence du culte du dieu yoruba Shango protecteur des jumeaux avec le Christianisme) un syncrétisme religieux entre les cultes gémellaires des Fon et des Yoruba (esclaves ammenés du Bénin et du Nigeria aux Amériques) et le culte catholique des saints Côme et Damien. Libérés de l'esclavage, certains d'ente eux sont ensuite retournés dans leur pays d'origine et ont alors conservé, voire réanimé, les cultes gémellaires. (C.f. le message: "Arts d'Afrique occidentale: représentations de jumeaux")


Pierre Verger, Cérémonie des jumeaux, région de Cotonou, Dahomey (Bénin), vers 1948.




Chez les Yoruba, les Fon et les Ewe ( Nigeria, Bénin et Togo), on fait sculpter la statuette du(des) jumeau(x) décédé(s) (garçon ou fille). Les jumeaux: ibeji, hohovi, venavi. On lui rend un culte familial, on lui fait des offrandes, on s'en occupe comme si le jumeau qu'elle représente était vivant. Le lien est ainsi maintenu entre le survivant et son double décédé, et l'équilibre et l'ordre (certes très précaires en cas de contrariété des jumeaux) sont maintenus dans la famille comme dans la communauté.


Folly Koumouganh, Cérémonie des jumeaux, sud-ouest du Togo, 2005, 10 x 15 cm., coll.privée.

Folly Koumouganh, Cérémonie des jumeaux, sud-ouest du Togo, 2005, 10 x 15 cm.,

Lambert Correa, "Photographie des statuettes (hohovi ou ibeji) représentant mes filles jumelles Roseline et Rosie décédées en 1978", 2004, Cotonou, tirage couleur, 10 x 15 cm., coll privée.

  Inconnu, Statue d'ancêtres jumeaux, Tellem, Mali, bois recouvert d'une épaisse patine sacrificielle crouteuse, h.: 20 cm., Coll. privée.


 Inconnu, Couple d'ancêtres jumeaux, Dogon, Mali,19e-20e. s.,  bois et métal, h.: 73 cm.
  The Metropolitan Museum of Art, New York.


Inconnu, Ose Sango (ou Oshe Shango), Sceptre ou bâton de danse consacré à Sango, Yoruba, Nigeria, bois , Coll. Robert & Nancy Nooter.
(Sango ou Shango, dieu protecteur des jumeaux)





Inconnu, Statue de mère et jumeaux, Culte Vaudou, Fon, Bénin, 2eme moitié du 19e s., bois, tissus, fer, cauris,rangs de cadenas, enduit sacrificiel, h.: 61cm, coll privée.





Dans l'art haïtien, les représentations de jumeaux sont très nombreuses: ce sont les marassa. Les marassa, vivants et morts, sont investis d'un pouvoir surnaturel qui fait d'eux des êtres d'exception. Morts, ils sont divinisés et leurs esprits sont d'au­tant plus redoutables qu'ils ont la réputation d'être, à l'égal des jumeaux vivants, emportés, violents et d'une extrême susceptibilité. Chaque famille ayant des jumeaux (ou qui en compte parmi ses ancêtres) leur doit offrandes et sacri­fices, sous peine de terribles vengeance. Les marassa peuvent être au nombre de deux, de trois ou de quatre. Ils sont parfois représentés par des images de Côme et Damien.(C.f. Alfred Métraux, Le Vaudou Haïtien, Gallimard, 2003).



 
Ismaël  Saincilius, Vierge Marassa, c.1985.

 

 Ismaël Saincilius, Vierge Marassa, 1986, huile sur toile, 61 x 41 cm.


Gérard Fortuné, Vierge avec Marassa, 2002, 24 x 36 cm.


Nasson, Marassa bleu, bois, clous, cire, 96,5 x 50,8 cm. Coll. Galerie Marassa ©.



Symbole des Marassa

Symbole des Marassa, Haïti.

 L'enfant qui, dans l'ordre des naissances, suit immédiatement les jumeaux - le dossou (garçon), la dossa (fille) - unit la puissance des deux.




Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire